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mij2014
23 janvier 2014

Personnages - Marie-Astrid

On la reconnaissait toujours à sa façon de frapper avant d’entrer : trois petits coups brefs, puis deux plus espacés. Ainsi, on ne pouvait pas se tromper. Nathalie, l’aide-soignante, son profond décolleté, son large sourire qui illuminait sa peau noire et brillante. Elle apportait le plateau repas et, d’un coup, grâce à son accent antillais, le porc – petits pois - purée devenait un plat exotique. Lorsqu’elle quittait la chambre, elle laissait toujours derrière elle un peu de ce soleil qui l’entourait en permanence.

 

 Le professeur Mangain ne se déplaçait jamais sans son escorte d’étudiants. Son tour de salle s’apparentait d’ailleurs plus souvent à une représentation théâtrale qu’à une consultation médicale… Ce jour-là, pourtant, il entra seul dans la chambre et se posta immobile au pied du lit, observant le monitoring, détournant les yeux, ouvrant la bouche puis la refermant, hésitant, ce qui ne lui ressemblait pas du tout.

 

Emile émergea quelques instants après le bouquet de fleurs qu’il tendait à bout de bras. Un énorme montage de tulipes rouges comme il savait que sa femme les aimait. Il referma délicatement la porte puis entonna un « joyeux anniversaire » qu’il ponctua d’un « Surpriiise » en décalant le bouquet pour dévoiler son visage. Son sourire se figea alors et il bredouilla un « oh, pardon, excusez-moi, je crois que je me suis trompé de… » On n’entendit pas le mot « chambre » qui, comme Emile, détalait déjà dans le couloir.

 

 Maryse détestait le service de nuit. Aussi, dès qu’elle poussait a porte de la chambre, il fallait que ça aille vite. Elle faisait rouler son chariot qui cliquetait contre le carrelage irrégulier, déroulait le tensiomètre, attrapait le bras de sa patiente, sans un regard, sans un mot, juste les saccades de sa respiration bruyante. Puis, un « voilà, bonne nuit » ponctuait la fin de sa visite. Elle était déjà partie, chambre suivante, comme à l’usine.

 

Je ne sais pas comment je suis arrivée dans cette chambre, ni depuis combien de temps j’y suis. Il me semble avoir toujours vécu ici. L’univers m’est familier, de même que ce sentiment étrange de ne rien avoir connu d’autre. Je n’ai rien à quoi m’accrocher : ni le néon pâle, ni l’odeur piquante d’antiseptique, ni le lit rêche, ni mon visage blafard, ni ma mémoire vide. Ma mémoire nue.

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