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mij2014
28 mai 2014

Un éphémère retour

Il sort en baillant de son étroite demeure, il lace ses sandales et tente  de lisser le lin de son vêtement  froissé par sa longue station dans la couche de pierre. Sorti de son interminable sommeil, il retrouve le jardin familier où s’alignent les demeures de marbre que les pins parasols couvrent de leur ombre mauve.

 Soudain une lointaine clameur coiffe les trilles des merles et les stridulations des cigales.

 Le voilà d’une arène gigantesque de fer et de béton. La clameur s’éclate en beuglements, chants informes scandés, sifflets stridents,  graillements d’aigres trompettes.

La chape de l’angoisse le fige.

Mais il faut pénétrer dans la nuit du couloir. Au bout, fulgurance de la lumière. Au centre d’un immense champ vert cerné de gradins chargés d’une foule vociférant, des athlètes vêtus de rouge ou de mauve coursent une balle de la taille d’un melon. Heurts violents des corps, jambes emmêlées, dures chutes … chaque camp semble vouloir projeter l’objet vers l’une des deux cages dressées aux extrémités de l’arène.

  Près de lui, au pied des gradins, deux filles, immobiles et silencieuses, observent la joute brutale. L’une, debout, casquée de cheveux de jais, lisses et brillants, les jambes maigres chaussées de bottes noires tient en laisse de cuir l’autre, une adolescente massive tapie à ses pieds, le cou serré d’une large bande de cuir. Il recule dans l’ombre du couloir.

 Un coup de sifflet strident arrête brutalement la course des hommes rouges et mauves. Les hordes des gradins déferlent dans l’arène avec des hurlements dont il ne sait si c’est de joie ou de colère. Dans son dos la ruée l’a poussé sur l’herbe verte au milieu de la foule. Ici, on embrasse durement les jouteurs, là on roule sur le sol en se bourrant de coups.

 

Derrière lui un sifflement aigu. Il se retourne. La fille maigre se redresse ; au bout de son bras, la laisse ballante avec le collier de cuir. Il a juste le temps de voir foncer vers lui un molosse noir, la gueule béante sur les crocs. Une masse de muscles le jette sur le sol, l’étau claque sur sa gorge.

Derrière ses yeux, un grand éclair mauve.                                                                                                                                            

                  Et c’est le noir, irrémédiable…

 

Dans le lit de marbre,  un crâne aux orbites vides, des ossements graciles, des lambeaux de lin, une sandale de cuir blanchi.

 JENNY

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