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mij2014
21 janvier 2014

4 personnages - Jenny

 

A la fenêtre d’où s’échappe un rideau grisâtre, une femme échevelée et massive cale sur la tablette une manne bleue. Elle se penche déposant ses gros seins sur le bord de la corbeille et récupère en maugréant le tissu plaqué par le vent sur le mur de briques. Elle accroche à la fenêtre un étendoir de plastique et y suspend quatre culottes et deux essuies de cuisine.

Par la porte arrière du restaurant que longent le parc et le parking aux marronniers, sort en courant une gamine qui poursuit un chat en l’appelant de « minous » stridents. La bête s’est glissée sous le treillis et a disparu dans les fourrés. La petite s’accroupit et ramasse les marrons lustrés qui parsèment la pierraille, les dispose en triangle et après un temps de réflexion tente de les superposer en couches pour en construire une pyramide qui s’écroule aussitôt. Elle les disperse d’un coup de pied, se ravise, en choisit quelques-uns qu’elle enfouit dans les poches de son anorak.

Un pardessus marine, une longue écharpe rouge, un attaché case. L’homme pressé navigue précautionneusement entre les flaques. Horreur, l’eau boueuse a souillé ses mocassins et son pantalon clair. Evidemment, avec ces nids de poule, la Porsche qu’il vient de faire nettoyer est salopée jusqu’à la vitre ! Comment enjamber cette mare pour entrer dans la voiture ?
Il s’assied en rassemblant autour de ses jambes les pans du manteau. Au-dessus de sa tête, une détonation ! Il se précipite, les pieds dans la gadoue. Evidemment ! ces saletés de marrons canardent la carrosserie… C’est ça, il y a un coup … non, deux ! Il repart en trombe. Une couche supplémentaire de boue tartine les flancs du coupé.

Une femme sort du restaurant, silhouette sombre oscillant sur le sol inégal. Dans le parc une lune blanche éclaire l’ossature dentelée du kiosque à musique. Derrière elle s’éteignent les baies de la grande demeure. Dans le parking désert elle avance vers l’une des deux voitures assoupies. Immobile,  tête baissée entre les bras tendus, elle s’appuie des deux mains à la carrosserie. Le manteau noir descend bas sur les chevilles fines chaussées de talons trop hauts.
Elle se redresse, passe les doigts dans ses cheveux mi-longs, cherche ses clefs d’abord dans ses poches puis dans le grand sac qu’elle fouille fébrilement. Elle peine à trouver le trou de la serrure. Finalement la porte s’ouvre, elle s’affale sur le siège Un pan du manteau reste coincé au bas de la portière.
La voiture restera immobile, tous feux éteints.

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